Par Maëlle Joulin.
SÉRIE : Comment le compost va sauver le monde !
Ép 3 : Le compost prévient les inondations
Vous avez loupé des épisodes ? Retrouvez aussi les autres pouvoirs du compost : il nourrit la planète (épisode 1) et préserve l’eau (épisode 2).
Envie de tout comprendre, mémoriser et devenir incollable en un clin d’œil ? Téléchargez notre super infographie ! ⬇️
Nous avons tous en tête les images spectaculaires de la vallée de la Roya complètement défigurée à l’automne 2020, ou de l’impressionnant glissement de terrain qui a englouti les paysages d’Erftstadt, en Allemagne, l’été dernier. Les crues torrentielles et les inondations semblent plus fréquentes et plus dévastatrices que jamais, avec des conséquences catastrophiques, meurtrières et coûteuses.
Que se passe-t-il ? L’explication est assez simple : la surface des sols ne permet pas aux eaux pluviales de s’infiltrer. Celles-ci stagnent et ruissellent au lieu de pénétrer le sol pour rejoindre les nappes phréatiques. Voyons cela dans le détail.
Trop d’eau
Premier élément d’explication : les perturbations climatiques se multiplient avec le réchauffement planétaire. Le cycle de l’eau se raccourcit, entraînant des précipitations et des phénomènes orageux beaucoup plus forts. Dans certains cas, les intensités observées dépassent les 100 mm en a l’heure, soit près de 10 millions de m3 d’eau déversés sur une agglomération de 100 km² en une heure[1]. Un volume d’eau colossal à absorber !
Trop de terres bétonnées
Le volume de précipitions n’est pas seul en cause.
Le problème vient aussi du fait que la surface des sols naturels, poreux, donc à même d’absorber l’eau, a beaucoup diminué.
Une urbanisation mal maîtrisée et des sols bétonnés favorisent le ruissellement.
Celui-ci est encore accentué par la suppression des haies, des talus et des zones humides qui ne peuvent plus freiner, réguler et amortir les afflux d’eau pluviale.
On estime que l’eau s’infiltre sur un sol naturel à hauteur de 50%. Elle s’évapore pour 40% et ruisselle pour seulement 10%.
Sur un sol bétonné, complètement imperméabilisé, l’eau s’infiltre seulement à hauteur de 15% et ruisselle pour 55%[2] ! Un facteur de risque d’inondation indéniable.
Des sols agricoles imperméables
Le plus embêtant : même les sols agricoles, qui devraient absorber les eaux pluviales, deviennent imperméables.
En surface, les sols deviennent comme lissés, fermés.
Fragilisés par le travail d’affinage, ils finissent par former une croûte imperméable qui provoque le ruissellement de l’eau.
On appelle ce phénomène la battance.
Un autre phénomène, moins connu parce que moins visible, est plus alarmant encore : la compaction ou le compactage du sol. Ici, c’est la structure profonde des sols qui est dégradée. Les couches inférieures se tassent et se densifient. Le sol devient moins poreux.
Le compactage est loin d’être un épiphénomène : en 2013, avec 33 millions d’hectares touchés, le compactage des sols était considéré comme l’une des principales raisons de la dégradation des sols en Europe[3].
Pourquoi est-ce primordial ? La structure désigne l’agencement des particules dans le sol. Idéalement, elle doit être grumeleuse, c’est-à-dire avoir 50% de son volume occupé par des pores. C’est à cette condition que le sol, bien aéré, peut effectuer un drainage efficace. Cet équilibre est fragile, précaire : en Europe, près de la moitié des sols sont vulnérables, voire très vulnérables au compactage[4].
Comment agir ?
Rassurez-vous, le constat n’est certes pas très réjouissant, mais il y a des solutions efficaces à court et moyen terme pour rendre les sols perméables !
De nombreuses mesures hydrauliques existent pour remettre des obstacles au ruissellement et organiser l’écoulement des eaux : diguettes, mares, haies, talus, collines, drains, zones inondables, etc. En milieu urbain, on peut également freiner l’artificialisation, développer les espaces verts et améliorer l’évacuation des eaux pluviales, par exemple grâce au béton drainant.
Des techniques agronomiques peuvent aussi favoriser l’infiltration et le drainage : utiliser des engins moins lourds sur des terres moins humides, s’équiper en matériel permettant de répartir les charges, effectuer le labour en planche, créer des fossés… Des outils existent aussi pour ameublir le sol, comme la sous-soleuse, destinée au décompactage profond.
Ces techniques sont efficaces, mais jusqu’à un certain point seulement. Pour des tassements en profondeur, entre 30-50 cm, l’intervention mécanique n’est pas suffisante : il faut alors compter sur l’activité biologique du sol.
Car oui, la structure du sol peut s’entretenir et s’améliorer par l’apport régulier de matières organiques ! C’est celle qui maintient la porosité du sol et lui permet de fonctionner comme une éponge. Les pores sont créés par le travail des micro-organismes qui vivent dans le sols, par les micro-fissures, les passages des vers de terre ou d’anciennes racines. Un sol riche en matière organique peut absorber 20% d’eau en plus qu’un sol appauvri par les produits chimiques et le labour profond. Sur un petit bassin versant de 100 km2 constitué de 70 % d’agriculture, cela représente un volume de 1,4 millions de litres qui sera stocké ou infiltré au lieu de ruisseler. Cette capacité d’infiltration est particulièrement cruciale lors des épisodes de pluies orageuses : un sol bien structuré peut absorber entre 40 et 100 mm d’eau en une heure, voire plus[5] ! Autant que les précipitations les plus fortes que nous rencontrons !
Les meilleures mesures à prendre sont donc les pratiques de l’agroécologie, celles qui favorisent la matière organique dans le sol : absence de labour, paillage, engrais verts et cultures intermédiaires, rotation des cultures, enherbement des vignes et vergers…
Quel est le super pouvoir du compost ?
Vous l’avez deviné, le compost apporte la matière organique indispensable pour augmenter l’activité biologique des sols et améliorer leur stabilité structurale. Son utilisation est particulièrement décisive pour les sols fragilisés et les horizons tassés. Qu’ils soient superficiels ou profonds, leur régénération naturelle, sans apport de matière organique supplémentaire, est très lente.
Comment cela fonctionne-t-il ? En décomposant la matière organique, les micro-organismes présents dans le sol fabriquent une sorte de colle organique, les polysaccharides, grâce à leurs enzymes extra-cellulaires. Cette colle agrège entre elles les particules de la terre, en particulier les plus fines, les limons et les argiles. Les filaments mycéliens, réseaux de micro-champignons qui se forment autour des racines et radicelles, consolident les agrégats et les rendent plus solides.
Une étude de l’Inra menée depuis 1998 a même mis en évidence que le compost a un effet plus pérenne que l’apport de déchets verts frais. Il rend les agrégats plus hydrophobes et leur permet de mieux résister au stress hydrique en s’humectant plus lentement lors d’un épisode pluvieux[6].
En France nous produisons 2 millions de tonnes de compost par an, c’est encore très peu ! Avec près de 22 millions de tonnes de biodéchets, déchets alimentaires produits chaque année nous pourrions disposer 12 millions de tonnes de compost. Et ça ne demande pas plus d’effort que de trier et jeter ses déchets alimentaires dans une mini poubelle spéciale. Alors pourquoi attendre ?
Tout comprendre en un clin d’oeil ?
Alors téléchargez notre super infographie !
[1] Météo France, Pluies extrêmes en France métropolitaine, http://pluiesextremes.meteo.fr/france-metropole/Intensite-de-precipitations.html
[2] Socotec, Risque d’inondation : sols imperméabilisés vs sols naturels, 2021, https://www.socotec.fr/le-blog/risque-inondation-sols-impermeabilises
[3] Soil compaction impact and modelling, a review, https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01201344/file/13593_2011_Article_71.pdf
[4] Generelized soil map of Europe, https://rivm.openrepository.com/handle/10029/261147
[5] http://www.changeonsdagriculture.fr/inondations-la-responsabilite-oubliee-des-sols-agricoles-a115066100
[6] https://www.actu-environnement.com/ae/news/compost-erosion-sols-epandage-15390.php4
Ep 2 : Préserve l'eau des sols
L’agriculture est une grande consommatrice d’eau : elle représente 70% de la consommation d’eau dans le monde, selon les chiffres de la FAO. Les cultures ont donc tant besoin d’eau ? En fait, pas vraiment, vous allez voir.
Voir l'épisode 2Ep 1 : Structure les sols
Dans le monde 40% des terres agricoles et 25% de la surface terrestre sont appauvries, ce qui signifie qu’elles ne fournissent pas en quantité suffisante les nutriments dont les plantes ont besoin...
Voire l'épisode 1FICHE PRATIQUE | Soyez créatifs : plantez-vous !
Découvrez notre atelier de jardinage circulaire. Il permettra à vos collègues de créer un sol vivant, et de rendre l’économie circulaire tangible à travers une action très concrète !
Télécharger