Par Maëlle Joulin. Article mis à jour le 7 décembre 2023
Page #11 – J+ 1 mois +15
Arnaud Ulrich co fondateur
Aujourd’hui c’est Arnaud qui vous écrit
Arnaud est l’un des co-fondateur de UpCycle. En pleine tourmente du COVID-19 il est confiant sur le rebond de l’entreprise post-COVID. Et même si en tant qu’entrepreneur la rentabilité est une donnée capitale pour lui, il aimerait que la politique des coûts bas cesse de dominer nos actions.
Après la tortue, le loup : suivriez-vous un loup dans vos grandes décisions ?
On se souvient tous de la performance de Louis de Funès refusant de confier une seule de ses pièces dans l’Avare de Molière. Ou encore de la fable du Loup et du Chasseur qui périssent l’un comme l’autre à force d’accumuler. « La convoitise perdit l’un ; l’autre périt par l’avarice. »
Notre économie s’est développée autour d’un axe principal : la maximisation du profit, un combo associant avarice et convoitise.
Une entreprise va maximiser son profit en augmentant ses revenus et en diminuant ses coûts. Si au début, elle peut maximiser son profit avant tout en développant son marché, elle devra tôt ou tard diminuer ses coûts : son marché n’étant pas infini.
L’acte de consommation de base pousse aussi à maximiser son profit : la grande distribution ne s’y est pas trompée en développant à outrance le concept de la promotion. Elle n’est pas seule, tous les segments de marché s’en sont emparés : qui achète aujourd’hui une voiture sans bénéficier de multiples remises à tel point que le prix de base ne veut rien dire ?
C’est cette maximisation qui nous a poussés à confier à des marchés plus performants économiquement (mais pas forcément socialement) la fabrication de masques, blouses et autres produits qui nous font défaut aujourd’hui.
Dans mon précédent article, je montrais à quel point la logique de consommation de masse était à l’origine d’un individualisme forcené.
Or cet individualisme est l’inverse de la solution pour sortir de cette crise puisque le respect des mesures implique un comportement altruiste et une démarche collective.
Cette semaine, il semble que la maximisation des profits soit aussi un responsable à montrer du doigt : si l’individualisme est tout sauf la solution, la maximisation des profits est clairement un amplificateur du problème sanitaire. Dans cette crise se révèle le choix que nous avons fait : le prix plutôt que l’autonomie pour garantir notre santé. Chaque jour les rapports sont plus alarmants qui révèlent notre dépendance aux pays d’Asie sur la production de médicaments, masques…
Ainsi donc cet « impératif économique » qui a justifié – entre autres – les délocalisations est le responsable de la crise économique, bien plus que le pangolin ! Dire cela c’est au mieux montrer l’aspect suicidaire de cet « impératif économique » au pire montrer son irrationalité.
Par ailleurs, il y a fort à parier que la motivation des autorités chinoises de cacher la réalité de la crise sanitaire que subissait le pays était aussi dictée par cet « impératif économique »…
Revoyons nos critères dans la prise d’une décision.
Aujourd’hui, chez UpCycle, quand nous rencontrons des entreprises ou des collectivités pour leur parler de retour à la terre des déchets organiques, on peut parfois entendre : « si cela me coûte plus cher que les solutions actuelles d’incinération ou d’enfouissement, pourquoi ma société/ collectivité devrait payer plus cher ? »
Le juge de paix, c’est le prix !
Le prix qui pousse à délocaliser.
Le prix qui pousse à dégrader l’environnement.
Le prix qui pousse à gaspiller puisque ce n’est pas cher…
Mais vous comprenez on n’a pas le choix !
Le dernier exemple en date : celui d’une salariée qui m’explique que si son patron ne voit pas un intérêt économique – en clair payer moins cher pour la gestion de ses déchets – alors il ne voit pas pourquoi il devrait choisir notre solution plutôt que de brûler ses déchets alimentaires, même si cela permet au passage de se mettre en conformité avec la loi. Dans l’esprit de ce patron, le prix justifie non seulement de nuire à l’environnement ( c’est le cas en incinérant ses biodéchets ) mais aussi de mettre de côté les impératifs légaux.
Les choses changent et heureusement. Mais je pense que cette crise doit aussi nous aider à relire et analyser nos critères de décision personnels et professionnels. Cap ou pas cap ? C’est d’ailleurs le sens de ce que disait Maxime quand il s’étonnait que les métiers qui se révèlent les plus indispensables durant cette crise (soignants, éboueurs, hôtesse de caisse…) soient aussi les moins bien payés. Curieux paradoxe !
Chez UpCycle, nous cherchons à être les mieux disant en coût de traitement des biodéchets. C’est possible notamment parce que nous supprimons le transport et les coûts afférents (de 40 à 60% du coût de gestion des biodéchets). 1ère bonne nouvelle.
L’autre bonne nouvelle c’est qu’en compostant sur place les déchets de votre entreprise ou de votre collectivité avec UpCycle vous aurez un impact positif sur l’environnement.
Et enfin, comme on peut espérer qu’il n’y ait pas que les emmerdes qui volent en escadrille, l’impact sera aussi bénéfique pour les utilisateurs : ils se seront pas de simples responsables « poubelles » mais deviendront responsables compostages. Les habitants eux pourront s’investir dans des projets de jardinage collectif avec leurs voisins.
Alors, en attendant demain, travaillons nos critères de décision à l’aune du monde que nous voulons. Chacun peut jouer un rôle, c’est nous qui avons la main sur le portefeuille et décidons de ce qu’il finance !
Arnaud Ulrich
Page #10 – J+ 1 mois +9
Le 14 avril à 20h, postée devant la télévision, prête à entendre de vive voix comment la situation actuelle allait être gérée dans les prochaines semaines, quelques phrases de l’allocution présidentielle ont résonné différemment. J’ai entendu, comme vous, « sobriété carbone », « résilience », « rebâtir une indépendance agricole […] française», pour « faire face aux crises à venir » (1). Ces termes ont dû vous rappeler les articles écrits par Lucie et Margaux ces dernières semaines. Lucie vous a parlé du devenir de nos déchets et de la possibilité de produire son propre compost (ici). Margaux s’est concentrée sur la question de l’autonomie alimentaire que soulève la crise actuelle, et comment les systèmes de distribution et la territorialisation agricole peuvent y contribuer (lire ici). Grégoire vous l’a dit, entre votre poubelle et votre assiette se trouvent nos terres (lire). Pour les plus chanceux, celle de leur jardin (qui risque tout de même de vous laisser un peu affamé) et pour tout le monde celles de nos champs. L’agriculture est la pierre angulaire de ces deux sujets. Désormais une question lourde d’enjeu se pose : notre agriculture n’est-elle pas trop dépendante des imports mondiaux d’engrais chimiques et de pesticides? Peut-on déjà tirer des leçons utiles ou au moins voir les signaux faibles des crises à venir ?
- L’agriculture française s’apparente à une industrie où « rentabilité » est le maître mot
Pour comprendre l’agriculture d’aujourd’hui, faisons un petit bon dans l’histoire : dans les années 50, pour rattraper le retard économique dû à la seconde guerre mondiale, l’agriculture française familiale est devenue industrielle, c’est-à-dire mécanisée, dépendante d’intrants chimiques et dominée par des monocultures occupant des dizaines d’hectares (2). La Beauce en est l’exemple parfait, avec ses paysages de champs de blé ou de colza à perte de vue. Résultat l’agriculture est aujourd’hui dépendante des échanges internationaux et de l’utilisation massive d’engrais chimiques et de pesticides. En 2017, près de 18 millions de tonnes de fertilisants ont été commercialisés en France (3). Une pénurie d’intrants est possible dans les prochains mois, car l’Europe fait habituellement venir les matières premières de pesticides depuis la Chine (6), et 95% des engrais minéraux utilisés en France sont importés (3).
Et ailleurs en Europe, les géants des pesticides fabriquent et exportent à l’international des substances interdites car dangereuses pour l’environnement et la santé. Et ce en toute légalité, grâce à la pression des lobbies des grands groupes sur la Commission Européenne, selon l’association Foodwatch.(4)
- Un tel système agricole est-il durable d’un point de vue écologique ?
Non si on le mesure au regard de l’ épuisement actuel des ressources. 63% des fertilisants commercialisés en France sont des engrais minéraux issus de ressources limitées (3).
Et c’est encore non si on retient le critère du changement climatique. 12% des gaz à effet de serre issus de l’agriculture sont dus à la fabrication et à l’utilisation d’engrais (2).
Et face à une crise mondiale ?
Vous connaissez déjà la réponse. C’était déjà le cas il y a une trentaine d’années, à Cuba. En 1991, l’URSS, le principal partenaire du pays, disparait. L’île se retrouve alors privée de pétrole, d’intrants chimiques et de vivres, ce qui provoque l’effondrement de son système agricole et une crise alimentaire sans précédent (5).
Et aujourd’hui, en France ? On peut déjà voir s’alourdir le marché français de l’orge, que l’on exporte principalement vers l’Asie, avec la chute de la consommation de bières en Chine suite à la crise sanitaire actuelle (6).
- Que pensent les agriculteurs eux même de ce système, sont ils heureux ?
Il y a un paradoxe dans les plaintes très fortes et très compréhensibles de la FNSEA contre l’agribashing, c’est que le monde agricole lui-même ne semble pas satisfait de la situation qu’une partie du grand public dénonce. L’agriculture française est sous dépendance économique de quelques grands acheteurs nationaux et des marchés internationaux. Si certains agriculteurs s’en sortent bien économiquement, le revenu agricole français reste très bas, le taux de suicide élevé, et la question de la perte de sens du métier est très forte. Pourquoi s’astreindre à une vie de labeur intensif pour gagner peu et à la fin être considéré comme pollueur et/ou maltraitant avec les animaux ? Une grande partie de l’agriculture française semble prise au piège, dépendante d’un modèle qui ne la nourrit plus et ne la satisfait pas. Mais comment changer de modèle quand on est acculé de dette et accusé de tout ? C’est là que la politique doit intervenir pour acter la fin d’un modèle et accompagner le changement.
- Comment peut-on (ré)agir ? Vers une circularité locale
On pourrait se laisser démoraliser par ce tableau un peu sombre, en remarquant les similitudes entre ces deux exemples. On pourrait rester passif, pensant qu’il est déjà trop tard. Mais une évolution vers une agriculture française plus durable, résiliente et autonome est possible ! C’est ce que Cuba a fait il y a 30 ans : l’effondrement du système agricole industriel a provoqué une refonte totale de l’agriculture : la traction animale a remplacé les tracteurs, la protection des cultures par insectes ou autres êtres vivants bénéfiques a remplacé les pesticides, et le compost issu de déchets alimentaires ou d’élevage a remplacé les engrais chimiques (7).
Cet exemple de changement radical de pratique peut nous inspirer, à notre échelle, en France. Mais est-il vraiment possible de sortir de la dépendance aux engrais chimiques ? Il semble en tout cas nécessaire de la diminuer. La fabrication et le transport d’engrais de synthèse impacte lourdement le bilan énergétique des aliments qui se retrouvent dans nos assiettes.
Mais doit-on forcément les fabriquer, et les transporter sur des milliers de kilomètres ? Parfois, la solution se trouve juste sous notre nez, ou presque. Les produits organiques (effluents…) issus des élevages peuvent être utilisés comme engrais dans les cultures. Le cycle des minéraux (N, P, K) est alors bouclé au sein d’une ou plusieurs exploitations agricoles (8). Mais la ville peut également avoir un rôle à jouer ! Chaque année, un habitant jette environ 120kg de déchets alimentaires dans sa poubelle d’ordures ménagères (9), et en tirant la chasse d’eau il se débarrasse de 95% de l’azote qu’il a absorbé en mangeant (10).
Or selon il suffirait de valoriser 12,5% des déchets alimentaires et urines en ville pour fertiliser 100% des surfaces en maraichage en France métropolitaine ! Pour fertiliser 100% des cultures légumières et céréalières en agriculture biologique en France nos calculs estiment qu’il suffirait de valoriser 21,7% de ces déchets.
Les échanges de matières fertilisantes entre les aires urbaines et les exploitations agricoles sont pour l’instant rares (8) mais représentent une solution durable pour diminuer les imports d’engrais de synthèse.
Et à notre échelle d’individu, comment agir ?
Il est possible de renouer le lien entre la ville, nos déchets et l’agriculture. Si comme moi vous rêvez de valoriser vos déchets organiques dans des bacs à compost au fond de votre jardin, pour fertiliser votre potager, mais que vous vivez en fait dans un appartement sans balcon, tout n’est pas perdu ! Des solutions de compostage électromécanique ou en bacs à l’échelle de la copropriété ou du quartier se multiplient.
Ce sera le cas très prochainement rue des Orteaux dans le 20ème arr de Paris. Dans cet ensemble immobilier en pleine rénovation les habitants pourront jeter leurs déchets alimentaires dans un composteur en bas de leur immeuble. Le compost généré sera ensuite réutilisé dans des jardins potagers partagés, et tout cela géré et animé par une association qui organisera des actions avec les habitants.
Dans un contexte de développement de l’agriculture urbaine, les déchets des uns peuvent devenir les ressources des autres dans une logique circulaire locale.
Axelle,
avec la relecture de
Maximilien Koegler
Sources :
- https://www.novethic.fr/actualite/social/droits-humains/isr-rse/emmanuel-macron-donne-un-cap-social-au-monde-d-apres-sans-indiquer-la-route-precise-148437.html
- https://www.greenpeace.fr/agriculture-ecologique/
- https://ree.developpement-durable.gouv.fr/themes/pressions-exercees-par-les-modes-de-production-et-de-consommation/usages-de-matieres-potentiellement-polluantes/fertilisants/article/les-livraisons-d-engrais-en-france
- https://www.foodwatch.org/fr/communiques-de-presse/2020/covid-19-les-geants-des-pesticides-plus-actifs-que-jamais-pour-proteger-leur-business-toxique-denonce-foodwatch-en-europe/
- https://www.erudit.org/fr/revues/recma/2015-n337-recma02017/1032525ar/
- https://www.cder.fr/actualites/consequences-coronavirus-agriculture-francaise/
- https://www.courrierinternational.com/article/2007/01/04/cuba-a-fait-sa-revolution-bio
- https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00982802/document
- Livre Blanc Upycle
- https://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/avec-leconomie-circulaire-lurine-passe-de-dechet-a-engrais-1146646
LIVRE BLANC | Mettre en place le tri et la valorisation des biodéchets
Le "big book" très complet pour tout comprendre et trouver une solution adaptée à vos besoins. Vous y trouverez des conseils pour mettre en place une gestion des biodéchets sans difficulté et à coûts optimisés, avec des études de cas selon votre typologie, petit ou grand restaurant, collectivité etc.
L’objectif de ce livre blanc est de donner des repères aux professionnels confrontés à ces enjeux. Chez UpCycle, nous travaillons depuis 2011 sur le rétablissement du cycle de la matière organique, de la fourche à la fourchette… à la fourche .Cela nous a donné l’occasion de collaborer avec des personnes passionnantes à qui nous avons donné ici la parole. Depuis 2016, nous installons des systèmes de compostage sur site, c'est d'après nos analyses la solution optimale pour nombre de nos clients (cf. études de cas). Nous partageons ici ces analyses, et espérons vous donner l’envie de franchir le pas !
Télécharger